Hommes et chimpanzés, l’hypothèse du métissage Avant de diverger définitivement, les ancêtres de l’homme et du chimpanzé se seraient métissés pendant plusieurs millions d’années.

(actualisé le ) par Charlemagne

Avant de diverger définitivement, les ancêtres de l’homme et du chimpanzé se seraient métissés pendant plusieurs millions d’années.

Quand donc les proto-humains et les proto-chimpanzés ont-ils divergé ? Autrement dit, quand les deux lignées ayant mené respectivement à l’homme et au chimpanzé actuels se sont-elles individualisées à partir d’un ancêtre commun ? Outre qu’elle propose une réponse à cette question, une étude génétique avance également des hypothèses quant à la façon dont cette divergence se serait produite. Le généticien américain David Reich et ses collaborateurs du Massachusetts Institute of Technology ont comparé de longues parties des génomes de l’homme, du chimpanzé, de l’orang-outan, du gorille et du macaque pour dater l’âge de leur divergence génétique, c’est-à-dire le moment où les échanges génétiques entre leurs ancêtres communs ont cessé.
Cette analyse a révélé deux nouveautés. D’abord, proto-chimpanzés et proto-hominidés se seraient séparés 1 à 2 millions d’années plus tard que ce que l’on pensait sur la base des données paléontologiques. La divergence aurait eu lieu, au plus tôt il y a 6,3 millions d’an- nées, et peut-être encore plus récemment, il y a 5,4 millions d’années. Au lieu des 7 à 8 mil- lions d’années avancés jusque-là. Ces résultats vont sans nul doute nourrir l’incessante controverse sur les discordances entre datations génétiques et paléontologiques...
La seconde proposition des généticiens américains est, elle, plus novatrice : à leurs yeux, la divergence entre les deux lignées aurait mis environ 4 millions d’années avant d’être définitive, 4 millions d’années durant lesquelles proto-chimpanzés et proto-hominidés auraient échangé des gènes.
Reich se fonde en particulier sur l’examen du chromosome X : les similitudes entre homme et chimpanzé y sont plus nombreuses que pour les autres chromosomes, ce qui est logique dans l’hypothèse de croisements fertiles entre lignées en voie de différenciation. En effet, de tels croisements ne sont possibles que si les X en présence sont suffisamment proches.
Faut-il s’offusquer de cette hypothèse de métissage ? Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études menées chez des oiseaux, des poissons, ou encore des papillons ont montré que l’hybridation entre animaux en voie de différenciation fait partie intégrante des mécanismes de spéciations, lorsqu’il n’y a pas d’isolement géographique entre les populations. Or, à l’échelle du vivant, l’homme n’est jamais qu’un animal comme un autre. Reste qu’en l’absence de fossiles de proto-chimpanzés datant de plusieurs millions d’années on ne sait pas si les deux cousins se sont effectivement côtoyés.

Olivier Donnars (La Recherche, Juillet-Août 2006, n°399)